« Sortir des clichés sur les chiens dangereux »

Le Dr Claude Béata, président d'honneur de Zoopsy, l'association des vétérinaires comportementalistes, réagit à la polémique sur les « chiens dangereux » née de l'accident de Boulogne-sur-Mer, dans lequel une fillette de 4 ans a été défigurée samedi par un bull-terrier.

 

Le Dr Béata s'était porté candidat à la présidence de l'observatoire du comportement canin avant que celui-ci soit supprimé.Photo DR

 

Un chien ayant dévoré le cadavre de son maître est-il dangereux ?

 C'est un fantasme. La loi impose une étude comportementale pour les bêtes qui ont mordu. Ici ce n'est pas le cas, ce chien n'a pas mordu, il s'est nourri par nécessité. Les chiens sont carnivores et nécrophiles. Ensuite, c'est un cliché de dire qu'un chien qui a goûté au sang ou à la chair humaine est féroce. Après, si la loi n'interdit pas l'adoption d'un chien ayant dévoré un cadavre, il semble assez compréhensible que ce chien soit de facto inadoptable : qui accepterait d'adopter un tel chien en connaissance de cause ?

Certains veulent modifier la classification des races dangereuses, qu'en pensez-vous ?

 Qu'il faut sortir des clichés. Les chiens dangereux, ce sont plus ceux qui ont peur. Les vétérinaires comportementalistes ont toujours été opposés à cette catégorisation. Aucune étude n'a démontré qu'une race de chien serait plus dangereuse qu'une autre ni qu'il y aurait une corrélation entre taille d'un chien et gravité des blessures. L'institut de veille sanitaire a publié en mai, en lien avec Zoopsy, une étude qui a démontré le contraire. D'après cette enquête, aucune race ou groupe de races n'apparaît plus dangereux. Il n'y a pas moins de morsures graves de petits chiens que de rottweillers. Beaucoup de nos voisins européens fonctionnent sans ces catégories, et ça marche mieux.

Que faut-il faire, alors ?

 Il faut supprimer de la loi cette partie « catégorisation », et garder la partie « évaluation » par un professionnel après chaque morsure.

On dit parfois que si un chien se comporte mal, c'est de la faute du maître ?

 Encore un cliché !

Dire cela, c'est nier l'autonomie du chien. Il y a de mauvais maîtres, mais il y en a aussi de très bons qui sont dépassés par un chien qui devient instable.

Que pensez-vous de la suppression de l'observatoire du comportement canin ?

 Cet observatoire est essentiel pour collecter des données fiables. Il a été supprimé. C'est regrettable. Nous réfléchissons à le monter par nos propres moyens.

Certaines voix proposent la création d'un « casier judiciaire » du chien, est-ce une bonne chose ?

 Si on enlève le côté analytique, avec la suppression de l'observatoire, pour ne garder que le répressif avec un fichage des chiens, j'y suis totalement opposé.

PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO RENOUL > bruno.renoul@nordeclair.fr  , publié le 21 juillet 2011.

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