Tartuffade de glands et salades d'escobar

  • Petites annonces et grandes manoeuvres

    Dans un premier temps, ce dossier titré "chiens dits dangereux … 15 ans déjà, 15 ans après ", je m’étais contentée de le survoler tout en m'étonnant de n'y trouver aucune information sur :

    - les chiffres du « carnage » (« éradication » en langage politiquement correct), je veux parler du nombre des chiens ayant gracieusement « offert » leur vie à l’immonde plaisanterie que constitue la loi de catégorisation de 1999 et ses suites ;

    - les perspectives d’évolution du dispositif légal en vigueur avec, notamment, l’indication des préconisations faites aux rapporteurs chargés d'étude et autres commissions interministérielles de travail, par chacun des représentants de la «filière canine» consultés (présidents de clubs de race, et plus particulièrement du rott et de l’amstaff, 4C, syndicat des professionnels du chien et du chat, ordre national des vétérinaires, grandes enseignes de la protection animale etc …).

    Finalement, j’avais remisé le magazine dans un tiroir tout en me promettant d'approfondir ultérieurement la lecture du fameux dossier.

    C'est désormais chose faite.

    A mon sens, l'exploit le plus remarquable de cette étude "15 ans déjà, 15 ans après" est d’avoir dressé le bilan d’un dispositif notoirement mortifère en faisant l'impasse totale sur son aspect le plus prégnant, à savoir l’élimination massive des chiens de catégorie.

    Certes, les chiens NON LOF représentant l'immense majorité des chiens catégorisés, ce sont eux qui ont payé (et paient encore) le plus lourd tribut.

    J'en déduis qu'il faudrait songer à créer le magazine «Chiens sans lof».

    Mais à ce dossier de la revue «Chiens sans laisse», je reconnais sans difficulté d’autres mérites, comme celui d’avoir déterré des questions d’arrière-garde que, prétendument, « se posent encore les passionnés et acteurs du monde canin sans en trouver de réelles justifications ».

    J’ai retenu deux de ces interrogations objectivement «capitales» pour l'avenir des chiens catégorisés :

    « Etait-il légitime de stigmatiser certaines races de chiens ? »
    « Pourquoi d’autres y ont échappé ? »

    D’emblée, mon optimisme naturel m’a porté à conclure qu’il s’agissait là d’un simple effet de style car si, par malheur, lesdits « passionnés et acteurs du monde canin » trouvent encore, "15 ans après", un quelconque intérêt à ces purs anachronismes, les propriétaires de chiens catégorisés doivent se poser une autre question : « faut-il désespérer ? ».

    Heureusement, le dossier délivre aussi son lot de bonnes nouvelles.

    Notamment, on y apprend que le Club de race du rottweiler est satisfait : le produit se vend bien. Il a juste fallu ajouter un peu d'édulcorant à sa composition, vraisemblablement pour le rendre plus doux au palais de l'enfant-roi afin qu'il puisse à l'envie s'en servir de trône ou de monture. C'est ce que j'ai compris en lisant : "le travail du Club tout comme celui de tout éleveur logique et raisonnable a été de faire un énorme travail de sélection sur le tempérament des chiens produits. Ceci a quelques fois été fait un peu en dépit du standard qui veut qu'un rott reste un chien de travail, c'est-à-dire un chien avec du tempérament et avec une disposition naturelle à la garde. Mais comment leur en vouloir ? Il y avait urgence et il fallait sauver cette race tant décriée et que nous voulons continuer à élever et à détenir". … Et à vendre. Diable !

    S'agissant toujours du rott LOF, on peut lire : «Aujourd'hui, les choses retrouvent un certain équilibre avec une réelle politique de sélection sur le tempérament. On a ainsi réussi à avoir un cheptel de chiens équilibrés, mais ayant cependant conservé toutes leurs aptitudes à l'utilisation, déplore tout de même la responsable de l'information (….)»
    «Déplore» ? Exclus le lapsus et la faute de frappe, seule subsiste l'épouvantable hypothèse des réels regrets du Club.

    Les voies de l'élevage professionnel «oeuvrant pour l'amélioration de la race» sont décidément impénétrables.

    Pour le reste : à qui l'article aura-t-il encore bien pu apprendre que les chiens catégorisés ne sont pas plus mordeurs que les autres et que leur évaluation comportementale les place en très grande majorité au niveau de dangerosité le plus bas ? Autant de «nouvelles» passablement éculées à force d'avoir servi à tout, sauf à exiger massivement l'abrogation pure et simple de la loi de catégorisation, les 
    « passionnés et acteurs du monde canin » n'y ayant visiblement pas trouvé motif suffisant à ce faire.

    Alors que les lieux communs commençaient à menacer mon état de veille, le titre d'un encart a soudainement revigoré mes neurones : «Des pays d'Europe révisent leurs lois». Là encore, pas de «scoop», on connaît par coeur l'histoire de ce recul législatif où l'Italie fait figure de référence pour avoir listé en 2003 pas moins de 92 races «dangereuses» puis réduit sa liste à 12 dès l'année suivante avant de la supprimer totalement en 2009.

    Quinze années n'ont-elles pas suffi à la France pour comprendre ce que l'Italie a commencé à réaliser en seulement un an ?

    On peine à imaginer que pareil retard ne soit pas en passe d'être dûment rattrapé .

    Que nenni, à s'en tenir aux conclusions de l'étude : « (l'abrogation) ne semble pas pour l'heure être d'actualité. Le chemin qui conduirait à l'abrogation de la loi est bien loin d'être tracé. Peut-être les maîtres pourront-ils au mieux bénéficier de certains assouplissements?»

    Mais au fait QUI, des «passionnés et acteurs du monde canin», la demande, cette abrogation ?

    Le syndicat national des professions du chat et du chien (SNPCC) ?

    Le Club de race du rottweiler ?

    Le Club de race de l'Amstaff ?

    Le Collectif Contre la Catégorisation des Chiens (4C) ?

    On regrette que l'auteur du dossier ne se soit pas intéressé à la question car c'est peut-être là que réside le défaut de révision de la loi dans notre pays.

    En effet, en France, dans les négociations, discussions, tractations, et autres échanges entre pouvoirs publics et «acteurs du monde canin», la chaise de l'abrogation de la loi de catégorisation est vide.

    En tout cas, ce n'est pas le SNPCC qui l'occupe : s'adressant le 11 Octobre 2007 au rapporteur du projet de loi de 2008, il le suppliait «ne touchez plus aux chiens , il y a d'autres solutions …» avant d'oser préconiser quelques lignes plus loin le «passage du rottweiler NON LOF en première catégorie», revendication d'ailleurs demeurée son cheval de bataille en 2013 comme en témoigne son avis écrit du 18 Juin au Groupe d'Etudes sur la Protection des Animaux.

    De toute évidence, ce ne sont pas non plus le Club de race de l'Amstaff et le Collectif 4 C qui l'usent, cette chaise : dans son avis du 14 Mai 2013 au Groupe d'Etudes susvisé, le Président du Club et Fondateur en son temps dudit Collectif Contre la Catégorisation demande, au nom de l'un et l'autre, le remplacement des catégories actuelles par une autre catégorie, et certaine de ses observations sur le dispositif légal en vigueur mérite d'être relevée : «Si acquisition et cession de chien de 1ère catégorie est interdite, la détention quant à elle ne l'est pas. Cette incohérence de la loi, construite dans la précipitation, suscite de nombreux problème sur le terrain.» Une personne malintentionnée pourrait y voir une invitation à interdire aussi la détention des chiens de catégorie 1.

    (pour consulter les avis des CNPCC, Club de race de l'Amstaff et Collectif 4C), cliquez sur ce lien : http://association-astonrott.e-monsite.com/blog/tartuffade-de-glands-et-salades-d-escobar/tartuffade.html

    Si la loi de catégorisation est une insulte à l'intelligence, l'enfumage mondain auquel elle donne lieu a des odeurs d'imposture.

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  • Documents annexes

    Documents visés dans notre article  "Petites annonces et grandes manoeuvres".

    T1

    T2

    Sncp2

    bis

  • Cachez ce chien que je ne saurais voir

    Etre propriétaire d’un chien catégorisé et citadin, ce n’est déjà pas une sinécure pendant les 358 premiers jours de l’année : chaque matin, il faut décider laquelle des obligations légales «oublier» pour pouvoir respecter les autres : muselière-laisse OU entretien de la sociabilité/humains et congénères ? En effet, dans la vraie vie, qui n'englobe pas l’univers mental du législateur français, ces exigences sont radicalement incompatibles : l’attache, couplée à l’entrave de la gueule, reste le moyen le plus efficace pour rendre un chien agressif, comme l'ignore royalement le législateur susdit.

    En tout état de cause, forts de la science et la sagesse qui manquent cruellement à d’autres, pendant les 358 premiers jours de l’année, nous sommes quelques centaines de milliers à déployer des trésors de patience, d’énergie, de détermination, de malice, d’humour et d’imagination, pour parvenir à composer avec une loi aberrante qui exige une chose et son contraire : un chien qui, sa vie durant, reste exemplairement sociable avec tout ce qui bouge, mais qui n’est autorisé à quitter la sphère privée que muselé et attaché. 

    S'accommoder d'une loi inepte. Toute l'affaire est là. 

    Ce challenge surréaliste, qu’il nous faut relever quotidiennement depuis 1999, nous l’affrontons avec courage et succès du 1er Janvier au 25 Décembre ; débute alors une série de sept longs jours qui nous laissent sans ressources, nous, pourtant capables de passer entre les gouttes quand il pleut des andouilles, nous, pourtant rompus à l’art de faire disparaître ensemble balle et molosse en moins de temps qu’il n’en faut à la maréchaussée pour apparaître au détour d’une allée.

    Mais à quoi diable devons-nous ce soudain accès d’impuissance qui nous terrasse du 25 au 31 Décembre ? A un phénomène bien particulier, engendré par l’angle obtus de Noël, et qui va s’amplifiant jusqu’au dernier jour de l’année : le moindre mètre carré d’espace vert est investi par un objet roulant. Sur une, deux, trois ou quatre roues, voire cinq, la France de demain s’exerce à pédaler, pousser, tirer, rouler en s’efforçant de garder le cap !

    L’enfant-roi occupe le terrain et trois générations veillent frileusement sur ses souveraines prérogatives, chacune prompte à voler dans les plumes de l'extravagant qui oserait grimacer en recevant une bicyclette dans les jambes ou une planche à roulettes dans les reins.

    La bien-pensance officiant, on célèbre l'idole en herbe. Mais entre bêtes à deux pattes uniquement. Une seule exception : les quadrupèdes de manchon ou de sac à main, réduits à contempler le sol en caressant l'espoir de sentir enfin la terre sous leurs pattes.

    Du côté des «gros» chiens, par contre, la voie de l'intégration aux lieux des réjouissances champêtres étant gravement embouteillée par les préjugés, on mord la poussière en respirant les miasmes de la pensée unique et en rêvant de dissidence.

    Souvenons-nous qu'en temps ordinaire déjà, l’Hexagone n’est pas réputé pour badiner avec la «sécurité» des futurs héritiers de la dette publique.
    Mais du 359ème au 365ème jour de l’année, l’intolérance envers le premier compagnon de l’homme atteint son point culminant : là où l’enfant-roi est susceptible d’aller poser une roue, c’est-à-dire partout, la présence de tout« gros chien » (plus de 7 ou 8 kilos) est farouchement proscrite, comme en témoigne le regard assassin des grands-mères sur le moindre Médor aventuré dans leur champ de vision, et l’air ambiant est à ce point chargé d’électricité qu’une photographie de rottweiler ou d’amstaff suffirait à déclencher une crise d’hystérie collective dans les rangs des ascendants fascinés par leur marmaille pédalante.

    Ronger son frein et attendre patiemment que la France de demain, lasse de chuter, abandonne enfin la place.

    Alors seulement, la nuit tombant et la chance aidant, les chiens pourront prendre à la dérobée leur part de défoulement et de jeu.

    Toutefois, même à cette heure avancée, on n’est pas à l’abri d’une rencontre érudite, si bien qu'entre chien et loup, parfois se glisse un «aigle» revendeur de propagande, prêcheur de boniments médiatiques, mystique en mal d’odeur de souffre.

    Par exemple, au soir de Noël dernier, j'ai croisé un docte traînard flanqué de sa progéniture, un gamin d’une huitaine d’années. Arrivé à ma hauteur, le jeune regarde ma chienne avec curiosité puis s'enquiert posément : « Papa, c’est quoi comme race, ce chien ? » L’autre de laisser tomber péremptoirement : « un rottweiler et c’est très méchant. »

    Immédiatement, mes yeux s'emplirent de larmes car c’est toujours une grande émotion d’assister en direct à la transmission intergénérationnelle des connaissances.

    Mais à peine le temps de sortir un mouchoir et déjà un groupe d’habitués suivi d’une dizaine de chiens surgissait de l’ombre en plaisantant :

    - Alors ? Tu es encore tombée sur un Prix Nobel ?
    - Non ! sur le tournage d’un clip pour la promotion de la connerie « made in France » !
    - Eh oui, grosse production nationale ! Mais à quoi pensent nos énarques ? même pas encore eu l’idée d’exporter les excédents !
    - Ah oui, pour combler le trou de la Sécu, une vraie panacée !!!

    Puis de revenir au beauf et à sa pauvre sentence de café du commerce. Une énième occasion de renchérir gaiement sur l'urgence qui s’impose à nos gouvernants de créer un nouveau service à numéro vert pour l’enfance en danger : « SOS intoxication parentale ».

    Pendant ce temps-là, nos chiens s’en donnaient à cœur joie : minuscules, petits, moyens et grands, racés, corniauds et bâtards, chiens 
    « non dangereux » et chiens « dangereux », tous bienheureux car ignorants des lois que l’homme a dû inventer pour se protéger des effets de sa propre bêtise.
    Mais bon, «tout ça c’était avant» : avant que je relise le « cahier spécial chiens dangereux » paru dans le numéro de novembre 2014 du magazine « chiens sans laisse ».

    A SUIVRE …
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